Extrait
de Moyens d'Accès au Monde (Stratégie du
dandy pétomane) - Editions du Bord de l'Eau -
2005
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Mort lente, mort invisible – Il y a la mort brutale,
la mort qui foudroie, celle des infarctus, des méningites
express, des attaques cérébrales, des accidents
de voiture et des bombes atomiques. Il y a la mort lente,
celle qui ronge
doucement, celle qui surveille sa proie, celle dont le souffle
effleure chaque jour les victimes du cancer, du diabète,
de l'âge ou du sida. Et puis il y a la mort qui nous
prend dès l'enfance, celle qui nous ôte la vie
comme un fruit de la bouche, celle qui suspend la vie sans
vraiment l'interrompre, celle qui menotte les gosses et leurs
rires de lucioles, celle qui alanguit et rend pusillanime.
Cette mort fait mourir lentement, imperceptiblement, comme
le froid qui endort. Cette mort fait mourir les hommes de
leur vivant. Elle est une mort molle, si molle que la plupart
la prennent pour la vie même et la désignent
comme telle.
Cette mort est indolore, invisible et ne dit pas son nom.
Elle nous vient du dedans, de nos peurs, du confort et de
nos habitudes, de notre sympathie pour l'endormissement. Mort
cérébrale, d'abord : celle des consommateurs,
des téléspectateurs, des lecteurs de journaux
et des bons électeurs. Mort sexuelle ensuite : celle
des couples fidèles, de l'ascèse et des désirs
coupables qui enfantent à la fois l'ennui et les névroses.
Mort physique également : celle du travail pénible,
des rythmes imposés, des sommeils impossibles et des
cadres stressés. Mort morale enfin : celle dont souffrent
les cyniques, mais aussi les foules résignées
qui « font ce qu'il faut faire » – et même
n'importe quoi – pour nourrir la famille et prolonger
un peu leurs existences absurdes ".
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