Extrait
de Tentative d'Assassinat du Bourgeois qui est en moi
(Le même effroi mais froid) - Inédit à
paraître...
"
Lâcher prise, voilà donc notre bien décevante
« solution »… Mais une nouvelle fois, il
ne s’agit que de mots. Finalement quelques incantations.
Le fossé est immense entre la proposition et le vrai
lâcher prise. Entre la théorie et son
incarnation existentielle. Cela semble si facile, tellement
plus facile qu’une « vraie révolution ».
Et pourtant, lâcher prise pour que s’éteigne
enfin le bourgeois qui travaille dans nos têtes et nos
corps est sans doute l’effort le plus violent, le plus
long et le plus exigeant que puisse se proposer un être
qui a grandi toute sa vie au cœur du bourgeoisisme occidental.
Lâcher prise, lentement, ne plus avoir besoin d’affirmer
son antibourgeoisisme, s’exercer pas à pas à
ne plus être bourgeois, à ne plus penser en bourgeois,
à ne plus respirer en bourgeois, à se libérer
du bourgeois que l’on a en soi, jusqu’au jour
où cela va sans dire. Quel effort et quel travail pour
en arriver là et quel effort ensuite pour tenir l’équilibre,
éviter la rechute. Car le non-bourgeoisisme est un
funambulisme, un état qui suppose à la fois
de la grâce et de la vigilance. Car être non-bourgeois
n’est jamais chose acquise.
Devenir non-bourgeois ne passera jamais par une incantation,
un slogan, un parti, une prière ou une prise de pouvoir
quelconque mais toujours par une incarnation, c'est-à-dire
une expérience. Il n’y a pas de recette mécanique,
de programme amaigrissant pour perdre son bourgeois en cinq
jours, pour apprendre à sauter en dehors de la machine
bourgeoise à étouffer la vie. Il n’y a
que la pratique des exercices de saut ".
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