Extrait
de Choron, l'homme qui ricane encore dans le cimetière
- Libération (Rubrique Rebonds) - 18 janvier
2005
Ecouter
en ligne l'adaptation sonore de ce texte par Sébastien
Lecordier (Extrait de l'émission "Vu de l'intérieur"
sur RFPP - FM 106.3)
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Se marrer et faire chier le monde… Sacré cahier
des charges ! Mais qui aura encore le courage, le talent,
les moyens et la liberté de le faire ? Il semble plus
que jamais nécessaire, mais aussi plus que jamais difficile
de continuer
d’affirmer ce qu’affirmait Choron dans Hara Kiri
ou dans le Charlie Hebdo d’avant 1990. A cœur vaillant,
rien d’impossible, mais l’étau se resserre
et la culture du propre, du légal, du mièvre
et du politiquement correct fait rage. Comme il faut de la
force pour encore oser aujourd’hui un « MERDE
! » universel, joyeux et libertaire. Merde à
tout. Merde aux cons. Merde aux flics et merde aux militaires.
Merde au Maire, au Ministre et merde au Président.
Merde à la Gauche et merde à la Droite. Merde
à Attac. Merde au prêchi-prêcha du Monde
Diplomatique. Merde à tout ce qui n’est pas sérieux
mais se prend au sérieux. Merde à la bonne conscience
et merde aux consensus. Merde aux patrons, merde aux petits
chefs et merde aux « prolétaires en lutte ».
Merde à la branchitude. Merde aux « jeunes des
banlieues » qui se prennent pour des « jeunes
des banlieues ». Merde à la presse, à
la radio, à la télé. Merde au «
Pays des Droits de l’Homme » qui se fout bien,
au quotidien, des droits de chaque humain. Merde à
la « tolérance » qu’on invoque comme
on invoque les dieux. Merde aux prêtres, aux rabbins,
aux imams. Merde à Dieu. Merde aussi au Boudhisme Zen,
au New-Age, à la psychologie, la politologie, la sociologie
et la Scientologie. Merde aux anti-fumeurs. Merde aux anti-buveurs.
Merde aux anti-baiseurs. Merde et merde ! Vive la vie ! Merde
à tout le monde. Merde à personne aussi.
Qui osera encore tenir un discours rigolard et sublimement
vivant ? Qui pourra encore être autre chose que lisse,
propre, poli, politiquement correct, mesuré, prudent,
charitable et consensuel sans finir en prison, ruiné
par les procès, brûlé par Al Quaida, exclu
par les patrons, lynché par les prolos, accusé
de nazisme, de terrorisme ou de pédophile, tabassé
par les flics, vidéo surveillé par un groupe
de vigiles, contrôlés par la RATP, condamné
par la presse, les ministres et les innombrables associations
de défense de la morale et de la bienséance
bourgeoise ? Qui pourra encore rire de tout et de tout le
monde ? Qui osera encore ne plus jamais rien prendre tout
à fait au sérieux ailleurs que seul dans son
salon ? Les temps sont difficiles…"
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