Extrait de Moyens d'Accès au Monde (Stratégie du dandy pétomane) - Editions du Bord de l'Eau - 2005

" Ainsi naquit Dada : « un coup de pied à l'univers », la reconquête sans concession de l'enfance de l'art, de l'art comme innocence, par-delà bien et mal, c'est-à-dire par-delà les morales de bourgeois. Dada est un gros pet qui par son souffle fait basculer d'un seul coup et voler en éclats toute l'histoire de l'art. Dada dit : l'art n'a plus pour « fonction » de fabriquer du Beau mais de dire le réel – fût-il laid. Dada dit : l'art n'a pas de fonction! Dada dit : l'art ne doit jamais être dans le camp des bourgeois mais dans le camp de la vie. Dada dit : l'essence même de l'art ne réside pas dans l'œuvre mais dans l'acte artistique. Dada dit : l'art n'est pas éternel mais s'inscrit dans l'instant, dans sa capacité à changer le réel, à déstabiliser, à rompre la routine, à réveiller l'esprit et la vitalité, et non seulement à les représenter ou les immortaliser. Dada dit : art, pensée, poésie, théâtre, politique, musique, littérature, actes, cris, vie quotidienne et philosophie ne font qu'un que l'on appelle « la vie ». Dada dit : l'art n'est pas un divertissement docile et récupérable, mais une subversion sans cesse renouvelée, jusqu'à en faire crever le bourgeois. Dada dit : personne n'est plus artiste, tout le monde est artiste. Dada dit : le monde est un chaos, le monde n'a pas de sens, mais ce chaos et ce non-sens sont l'ordre et le sens même du monde. Dada dit : le fond de l'art effraye! Dada : hasard, chaos, humour, absurde, Rabelais! Victoire définitive d'Eros sur Thanatos! De la vie sur la mort. De l'enthousiasme innocent sur le négatif névrosé, mortifère et coupable.