Extrait
de Tentative d'Assassinat du Bourgeois qui est en moi
(Le même effroi mais froid) - Inédit à
paraître...
"
Quel mot utiliser justement pour combattre le bourgeois ?
« Sale bourgeois » ? L’insulte tombe à
plat et se perd dans le vide. Son efficacité est absolument
nulle. Celui qui l’utilise prête à peine
à sourire. Car qui est le bourgeois ? Le banquier ?
Le fasciste ? Le communiste menteur ?
Le prêtre ou le patron ? Le bon père de famille
? Le fonctionnaire d’Etat ? Le prolétaire lui-même
? Tout le monde ? Nous pensions le saisir par ses caricatures
et voilà que le bourgeois nous glisse entre les doigts…
Mais pourtant confirmons : le bourgeois, antithèse-négation
de la vie, qu’on se le tienne pour dit, est l’ennemi
!
Si les formes ont changé, si elles sont maintenant
moins anguleuses, plus lisses, moins hystériques, presque
harmonieuses, le sordide n’en demeure pas moins. Epousant
tous les vents, absorbant toutes les contradictions, l’esprit
bourgeois poursuit sa tâche neuroleptique qui consiste
à faire croire au grand nombre qu’en attendant
la mort on doit se contenter de la sieste, du confort et de
la médiocrité. L’esprit bourgeois oppose
au sourire enthousiaste et fertile des enfants, le rire désenchanté
ou le ricanement sec des adultes devenus trop adultes. Il
oppose le mensonge de principe à l’authenticité.
Il oppose en un mot la mort et le médiocre à
tout ce qui est grand et à tout ce qui vit.
S’il nous est bien possible de parler encore aujourd’hui
d’un « esprit bourgeois », il nous est en
revanche difficile de lui donner une forme, une figure, une
corporéité. Il nous est difficile de «
choisir notre camps » car il n’y a plus de camp.
Tout le monde est à la fois « gentil »
et « méchant ». Mais cet effacement des
symptômes qui nous permettaient autrefois d’agir
et de juger ne doit pas nous faire désespérer.
Au contraire, cet effacement oblige à une remise en
cause. Il nous pousse, justement, à aller au-delà
des symptômes, à aller vers le cœur du problème
et à réaffûter toutes nos définitions.
Il nous incite à repenser encore une fois la question
du bourgeois et des moyens nouveaux pour d’abord le
trouver et ensuite… le tuer. Le bourgeoisisme généralisé
est la septicémie silencieuse de notre société
".
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